Ouverture des grandes surfaces le dimanche : une évolution nécéssaire dans la ville de demain ?


le Lundi 26 Août 2019 à 22:41

Le groupe Casino teste depuis le 25 août, l’encaissement automatisé dans l’un de ses hypermarchés, à Angers (Maine-et-Loire), ce qui lui permet d'ouvrir le dimanche après-midi sans solliciter son personnel. Une première française qui intéresse les consommateurs qui vont pouvoir faire leur courses 7 jours sur 7 mais qui ne ravit pas les salariés qui craignent pour leur emploi et certains citoyens qui considèrent que l’ouverture dominicale des grandes surfaces n'est pas nécéssaire.


L'hypermarché Géant Casino à Angers
L'hypermarché Géant Casino à Angers
Ouvrir un hypermarché le dimanche après-midi, en s’affranchissant des textes en vigueur en France, grâce à la mise en place de caisses automatiques, c’est l'expérience que mène actuellement le groupe stéphanois Casino, dans l’un de ses hypermarchés, situé dans un quartier résidentiel d’Angers (49). Le syndicat CGT, entre-autres, qui dénonce depuis des années l’ouverture des grandes surfaces le dimanche, n’apprécie pas vraiment l’initiative. Alors forcément ça coince (voir vidéo) et l’affaire dépasse largement les frontières d’Angers, les salariés craignant que l’opération ne se généralise aux périodes d’ouverture légale de tous les établissements détenus par le Groupe Casino.
 
Selon le Code du Travail les salariés ne peuvent pas travailler plus de six jours par semaine. Ils doivent donc bénéficier d’au moins un jour de repos hebdomadaire, Si le dimanche reste le jour légal de fermeture des entreprises et commerces, certains peuvent  néanmoins ouvrir le dimanche. C'est le cas des commerces alimentaires, jusqu’à 13h (article L3132-13 du Code du Travail), ceux qui n’emploient pas de salariés, ou ceux qui se situent dans des zones commerciales soumises à dérogation et notamment les zones touristiques saisonnières ou internationales. 
 
En ouvrant son hypermarché le dimanche après-midi, sans solliciter ses propres salariés, mais en mettant en place des caisses automatiques surveillées par des prestataires extérieurs (vigiles et animateurs), le Groupe Casino contourne la loi comme rappelle le député de la première circonscription de Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin, dans une lettre adressée au directeur du groupe. Selon le député « ce modèle ne parait pas souhaitable, ni économiquement ni socialement ». « Cette décision pose question quant à la place donnée aux salariés dans vos projets de développement, alors qu’à mon sens, le progrès technologique devrait permettre de créer de la valeur avec les salariés ».
 
Voir leurs emplois supprimés au profit de caisses automatisées c'est justement ce qui mobilise les salariés de l’entreprise. « Ce qui nous fait peur c’est que le métier d’hôtesse de caisse disparaisse avec ces encaissement automatiques », s'inquiète Saliha Guechaichia, délégué syndicale CGT de l’hyper d’Angers la Roseraie. « Nous pensons qu’ils ne vont pas s’arrêter là et il faut stopper avant que ça s’élargisse ». Des propos appuyés par Didier Testu, membre de l’union locale CGT d’Angers : « Traditionnellement la CGT est contre l’ouverture des grands magasins le dimanche, sauf quand c’est un travail socialement utile. Nous ne sommes pas contre la machine, mais contre l’utilisation de celle-ci par les seuls détenteurs des moyens de production, en clair les capitalistes, pour augmenter leurs profits ».
 
« Travaille, consomme et tais-toi ! »
Désormais très présents dans le débat citoyen, les membres du collectif « Gilets jaunes » d’Angers, ont également pris position contre cette ouverture dominicale. « On défend le principe que les gens qui travaillent ont besoin de repos. Pour consommer il n’y a pas besoin d’ouverture de grandes surfaces le dimanche », affirme Sylvie Cognard, membre du collectif. « On défend le travail des caissières qui sont souvent des femmes seules qui ont du mal à survivre tout en se posant la question de la notion de travail. La revendication des gilets jaunes c’est d’abord de vivre heureux. On n’est pas contre l’automatisation des taches pénibles, mais ici l’automatisation coupe le lien social avec les salariés »« Désormais nous avons un nouveau slogan : « travaille, consomme et tais-toi ».
 
Tina Schuler, la présidente du service Distribution de Casino France, a répondu à Matthieu Orphelin que « les rythmes de vie, de travail et de loisirs de nos concitoyens évoluent. Le commerce doit s’adapter à cette nouvelle donne, à l’image du développement exponentiel du e-commerce qui, lui, ne connaît aucune borne temporelle ». Et sur ce point, le Groupe Casino qui possède aussi la plateforme de e-commerce Cdiscount, sait de quoi il parle.
 
Si le commerce se modernise comme le rappellent certains consommateurs, d’ailleurs plus nombreux que les opposants ce dimanche en début d'après-midi, c’est bien que ce nouveau service, existant dans de plus petits magasins et expérimenté pour la première fois dans une grande surface, 5000 m2 à Angers la Roseraie, correspond à un besoin des clients. Un besoin appuyé par l’enseigne qui les a préalablement sollicités via des publicités ciblés, par SMS ou internet, avec des réductions valables uniquement pendant cette période d’ouverture dominicale. Mais selon un sondage Ifop réalisé il y a six ans, le dernier en date, deux français sur trois seraient favorables à l’ouverture des grandes surfaces le dimanche. De quoi encourager la grande distribution à aller dans ce sens.
 
On peut donc s’émouvoir de la situation, inéluctable, mais qui reste « fonction de l’intérêt que les clients lui apporteront », rappelle l’enseigne. Si certains préfèreraient que les consommateurs se tournent plus vers les petits commerces alimentaires ou les marchés de quartiers dans lesquels la proximité et la dimension favorisent le rapport humain et le bien vivre ensemble, rien n’arrêtera la machine de guerre de la grande distribution qui, quoi qu’il arrive, est condamnée à s’adapter à l'évolution du commerce.
 
Si les syndicats et les partis politiques anticapitalistes dénoncent comme à leur habitude les profits toujours plus importants de ces grandes enseignes, cette initiative risquant, selon eux, de les amplifier, le législateur pourrait intervenir, au risque de s’attirer les foudres d’un secteur dont la masse salariale est importante ( 3 millions de salariés ), avec l'idée pas si saugrenue de taxer la robotisation pour compenser la perte de revenus des salariés.

Mais au final c’est bien à l’usager de faire le choix de la société dans laquelle il souhaite vivre, sachant que même si son magasin le plus proche n’est pas ouvert le dimanche, il pourra commander en ligne des produits qui lui seront livrés par des livreurs indépendants, même le dimanche. N’oublions pas que l’ouverture de ces enseignes le dimanche est peut-être aussi « un moyen, pour les consommateurs moins à l’aise avec le e-commerce, de pouvoir faire leurs courses », comme le soulignait un client exaspéré par le blocage opéré ce premier dimanche par les opposants.
 
Enfin, si la grande distribution teste l’automatisation des caisse, elle essaie aussi des robots capables d’effectuer la mise en rayon en fonction des besoins, sauf bien sûr pour les produits frais où à la découpe, pour l’instant exclus du champ de l’automatisation.






              

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