Mobilité : rouler à l’hydrogène, est-ce la bonne solution ?


le Mercredi 9 Février 2022 à 10:50

Alors que certains constructeurs automobiles s’accrochent aux moteurs thermiques en effectuant des recherches sur les carburants de synthèse, que la voiture électrique n’est pas encore vertueuse en matière de construction, certains voient dans l’hydrogène la solution d’avenir. Pour l’association « négaWatt » qui milite pour une transition énergétique réaliste et soutenable, la prudence est de mise pour ce qui concerne la place de l’hydrogène dans la mobilité.


En matière de transition écologique, la voiture à hydrogène est-elle la panacée. Tout dépend des usages (photo d'illustration Adobe Stock)
En matière de transition écologique, la voiture à hydrogène est-elle la panacée. Tout dépend des usages (photo d'illustration Adobe Stock)
Depuis des mois, les annonces de plans stratégiques de développement de la filière hydrogène se multiplient dans le monde et certains voient dans ce gaz une solution miracle pour la décarbonation du système énergétique », interpelle l’association négaWatt  dans une note de positionnement consacrée au développement de l’hydrogène.
 
Association à but non lucratif, totalement indépendante, créée en 2001, négaWatt est dirigée par un collège de membres actifs, la Compagnie des négawatts, qui rassemble une vingtaine d’experts impliqués dans des activités professionnelles liées à l’énergie. « Tous s’expriment et s’engagent à titre personnel au sein de l’association », peut-on lire sur le site web de l’association. La démarche de cette association qui prône la sobriété dans les usages individuels et collectifs de l’énergie, repose sur une approche de bon sens allant dans le sens d’une diminution de la quantité d’énergie permettant de satisfaire nos besoins et une priorité aux énergies renouvelables. 
 
Pour NegaWatt, si l’hydrogène parait incontournable, « ce vecteur énergétique n’est pas plus capable que les autres d’apporter une réponse unique et définitive à toutes les problématiques de la transition énergétique ». Alors plutôt que se lancer à corps perdu dans cette filière, comme c’est le cas aujourd’hui avec la voiture électrique, pas si vertueuse que l’on veut bien le dire, l’association préfère appeler à la prudence. « Le développement de la filière hydrogène doit s’inscrire dans une vision d’ensemble de l’évolution du système énergétique et des usages associés, afin d’identifier les complémentarités à mobiliser dans ce cadre ».
 
Réfléchir aux usages, plutôt que d’engager des dizaines de milliards d’Euros dans une filière dont les atouts et les limites ne sont pas encore bien définis. Éviter que le remède soit pire que le mal, c’est ce que préconise l’association, sans pour autant écarter ce gaz qui peut répondre aux besoins pour peu que ces derniers soient bien cernés.
 
Mais là où le bât blesse, c’est que l’hydrogène produit aujourd’hui, est assuré à 94% par des techniques fortement émettrices de GES (Gaz à effet de serre), lesquelles sont responsables, à l’échelon européen de 4% des émissions de CO2. Ce chiffre n’est certes pas affolant, mais à quoi bon se lancer dans une technologie qui va à l’encontre des effets de décarbonation escomptés. C’est déjà le cas de la voiture électrique qui ne pollue pas en roulant, alors que c’est l’effet inverse dans sa construction. 
 
« L’usage mobilité n’est aujourd’hui envisagé que via une pile à combustible embarquée qui joue le rôle de groupe électrogène afin d’alimenter des moteurs électriques situés sur les axes des roues », détaille l’association dans sa note de positionnement. « L’hydrogène se positionne alors en concurrences avec les batteries, éventuellement en complémentarité avec elles », afin de prolonger l’autonomie du véhicule.
 
« Pour être soutenable et économiquement accessible, l’hydrogène devra être intégralement d’origine renouvelable »

Si les caractéristiques de l’hydrogène en font un bon candidat pour remplacer les carburants fossiles, selon les experts de négaWatt, celles-ci ont un intérêt pour une mobilité lourde nécessitant une puissance élevée et une capacité importante d’embarquement d’énergie comme les trains circulant sur des lignes non électrifiables ou les navires de marchandises, aujourd’hui très gros pollueurs sur les mers. 
 
Autre son de cloche avec les véhicules légers, que ce soit les petits utilitaires ou la voiture de monsieur tout le monde. « Les véhicules qui en sont équipés présentent des coût prohibitifs par rapport aux autres solutions décarbonés », souligne l’association. « Surtout face à des solutions plus matures sur le plan industriel comme le bio-GNV (biométhane ou gaz vert, produit à partir du traitement de déchets organiques(NDLR) ».
 
S’ajoute à cela, la production de l’hydrogène, obtenu par électrolyse de l’eau ou lors du raffinage deshydrocarbures (charbon, pétrole ou gaz), mais aussi son stockage et sa distribution. La difficulté c’est que cette décomposition ne peut se faire qu’avec de l’électricité, le plus souvent nucléaire, quand elle n’est pas au charbon ou au gaz, c’est-à-dire des énergies fossiles, dans certains pays européens. Et c’est justement à ce niveau que ça pose un problème. « Pour être soutenable et économiquement accessible, l’hydrogène devra être intégralement d’origine renouvelable », soulignent les experts de négaWatt. 
 
Cette production peut être centralisée, à proximité des grandes installations d’électricité renouvelable (éolien maritime ou terrestre, centrales photovoltaïques). Cela nécessite un réseau de distribution du gaz par canalisation « peu envisageable au regard du coût et des enjeux de sécurité ». L’autre solution consiste à opter pour un stockage décentralisé, à pied d’usage. Mais cette dernière serait alors couteuse en transport avec une flexibilité insuffisante eu égard des besoins dans un système totalement renouvelable. Reste alors la conversion de l’hydrogène en méthane avec réinjection dans le réseau gaz naturel existant sur le territoire français. « Un avantage considérable qui pourrait justifier les coûts et les pertes énergétiques de cette solution », ajoute l’association.
 
Alors, l’hydrogène ne serait pas la panacée annoncée ? Pas si sûr. Dès lors que le gaz est produit par des énergies renouvelables il semble judicieux de « l’utiliser dans l’industrie, en priorité, en substituant l’hydrogène d’origine fossile utilisé par le secteur industriel, notamment les aciéries, par de l’hydrogène décarboné, avant d’envisager son utilisation dans d’autres secteurs et pour d’autres usages », conseille négaWatt. 
 
Si à moyen terme l’hydrogène pourrait être déployé dans d’autres secteurs, sa pertinence est avérée, en matière de mobilité, uniquement sur des marchés restreints comme le ferroviaire ou la filière maritime, pas vraiment pour l’automobile dont d’autres sources d’énergie sont plus pertinentes, avec le méthane bio ou les batteries de plus en plus performantes. Tout dépend de l’usage, grande route ou circulation urbaine, sachant que pour cette dernière il semble plus opportun de se pencher sur la complémentarité entre les réseaux existants. La voiture n’apparaissant plus comme le moyen essentiel pour se déplacer en centre-ville





              

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