Mobilité : Le MaaS, une réponse, mais à quelle question ?


Rédigé par Matthieu LE MAILLOUX le Jeudi 28 Février 2019 à 11:12

L'approche servicielle aura mis du temps à s'immiscer dans la sphère des mobilités. Le principe n'est pas nouveau mais les initiatives récentes et de plus en plus concrètes laissent à penser que la transformation est enclenchée ; l’engouement des opérateurs historiques de transport public sur ce marché est en tout cas un message fort.


De nombreux acteurs développent et commercialisent d’ores et déjà des packs ou abonnements permettant un accès aux réseaux de transports d’agglomération (Photo Adobe Stock)
De nombreux acteurs développent et commercialisent d’ores et déjà des packs ou abonnements permettant un accès aux réseaux de transports d’agglomération (Photo Adobe Stock)
Le concept Mobility As A Service (MaaS) ambitionne de révolutionner la manière de consommer la mobilité. Pour tenir cet objectif, les acteurs du secteur comptent sur le développement et l’avènement de plateformes digitales, véritables “box de la mobilité” et points d’entrée incontournables pour l’usager. La multiplicité de ces dites plateformes n'est pas perçue comme un élément concurrentiel négatif, mais plutôt comme une avantageuse complémentarité de services, volontairement opposée aux situations monopolistiques bien connues des compagnies nationales historiques.

A travers ces hubs, l’utilisateur est alors invité à rechercher, comparer, et souscrire au service de mobilité le plus pertinent. La multi modalité est au rendez-vous, mais plus important encore : on parle d’intermodalité pour permettre le fameux Door-to-Door, illustration d’une tendance de personnalisation à l’extrême de la mobilité.

Mobilité partagée, électrique, active, autonome, douce ... toutes les nouvelles formes de mobilité sont invitées à participer au renouveau, tant qu’il s’agit d’une mobilité connectée ou “connectable”.

Le développement de ces plateformes, qui se concrétisent souvent pour les usagers par une application mobile, intervient à une ère où les robots assistants, plus connus sous le nom de « chatbots », permettent de pousser encore plus loin l’expérience utilisateur, la rendant d’autant plus fluide et personnalisée. À ce sujet, les opérateurs n’hésitent pas à qualifier ces outils de « compagnons de voyage », dopés pour certains à l’Intelligence Artificielle, autre grande tendance tech du moment.
 

Au-delà du comparateur multimodal

Considérer la mobilité servicielle uniquement comme un simple comparateur multimodal serait trop restrictif. De nombreux acteurs développent et commercialisent d’ores et déjà des packs ou abonnements permettant un accès aux réseaux de transports d’agglomération. C’est notamment le cas de Whim, une société finlandaise, qui propose dans les villes d’Helsinki, Amsterdam, Anvers et Birmingham trois packs de mobilités :
  • Whim To Go - pack gratuit, chaque trajet est facturé unitairement
  • Whim Urban - 49€ par mois pour accès illimité : au transport public, aux vélos libres services (par tranche de 30 min maximum), et à un tarif préférentiel pour les taxis ou location de véhicule
  • Whim Unlimited -  499 € par mois pour un accès à tous les modes en illimité
Ces fameux packs sont inconcevables sans la participation franche des opérateurs et autorités de transports. Pour ces derniers, les opportunités sont réelles. En effet, jouer le jeu d’une mobilité à la demande et plus connectée permet de proposer une tarification plus flexible,par exemple : de type origine-destination, aussi dénommée “pay as you go”, ou circonstancielle par l’adaptation des plans de transport lors d’événements publics oul’incitation aux transports publics en cas de pollution.

D’autre part, malgré les initiatives publiques et Open Data, le MaaS représente aussi pour les opérateurs et autorités un accès facile aux données des usagers, jugées de plus indispensables pour concevoir ou adapter des offres de transport.

Un exemple français illustre bien ce phénomène : la Métropole Lilloise a su développer une véritable expertise en matière de mobilité connectée ; et ce, par l’intermédiaire de l’éditeur Opendatasoft, ainsi que par l’adhésion au Connected Citizen Program, une initiative privée qui regroupe notamment Waze, Uber et de nombreuses agglomérations.
 

Dernier défi : adresser les zones moins denses

Le gouvernement en place ne cesse de rappeler la nécessité d’une cohésion des territoires et place les mobilités au centre de nombreux débats, en témoignent les assises de la mobilité ou le projet de loi LOM, allant même jusqu’à démocratiser le concept de mobilités inclusives. Pourtant, le MaaS s’invite pour l’instant principalement dans des milieux hyper urbains où l’usage de la voiture est en déclin, et qui comptent donc des usagers déjà en quête d'alternatives.

Ce périmètre urbain et la nécessité d’un usager connecté plongent le MaaS dans une démarche exclusive. Les zones à faible densité n’offrent que trop peu d’opportunités pour le concept. Il s’agit de zones où il n’est même pas question de multimodalité puisque la seule option viable se limite souvent à l’automobile personnelle. Le chemin à parcourir pour prétendre à un service public est donc encore important.

Les défenseurs du MaaS s’appuient pourtant sur un chiffre : 4% ; il correspond au temps moyen d’utilisation d’une automobile au cours de sa vie. D’un point de vue économique, les premiers tarifs constatés comparés au coût d’acquisition et d’entretien d’une automobile jouent clairement en faveur du MaaS.

Enfin, le MaaS doit aussi faire face à un aspect psychologique important en milieu rural ou périurbain. Les usagers peuvent, certes, changer très rapidement d'habitudes de transport, la massification du covoiturage s’est ainsi faite en moins d’une décennie, mais ne font pas toujours preuve de rationalité lorsqu’il s’agit d'abandonner leur véhicule personnel.

Matthieu LE MAILLOUX
Consultant mc2i Groupe


MOTS CLÉS : mobilité, services, transports



              


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