Fibre optique : la grande désillusion


le Mardi 16 Mars 2021 à 09:19

D’ici la fin de l’année 2022, plus des trois quarts des citoyens français devraient pouvoir bénéficier d’une connexion internet via le réseau de fibre optique. Sur le terrain, le réseau très haut débit se déploie à grande vitesse, trop même, car les incidents sont nombreux et les opérateurs télécom sont loin d’être transparents sur le sujet, privant parfois leurs clients de raccordement pendant plusieurs jours, sans préavis et sans en préciser les causes. Retour d’expérience chez Orange.


Des techniciens fibres formés trop rapidement et un avancement à marche forcée entrainent des avaries de plus en plus fréquente sur le réseau fibre (photo Adobe Stock)
Des techniciens fibres formés trop rapidement et un avancement à marche forcée entrainent des avaries de plus en plus fréquente sur le réseau fibre (photo Adobe Stock)
Fibre : le grand bazar des raccordements », titrait fin février le magazine 60 Millions de consommateurs, saluant l’avancée technologique, mais aussi les nombreux, trop nombreux problèmes rencontrés par les utilisateurs.
 
« Le plan France Très Haut Débit (THD) a été lancé par le gouvernement en 2013  afin de couvrir l’intégralité du territoire national d’ici 2022, avec un accès internet performant, d’un débit minimum de 30 méga pour l’ensemble des logements, entreprises et administrations », déclare l’opérateur Orange sur son site web, avec des objectifs clairs : «  donner accès aux usages numériques à tous les citoyens, permettre la modernisation des services publics y compris dans les zones rurales et les montagnes, renforcer la compétitivité de l'économie française et son attractivité ».
 
Opérateur historique, France Télécom devenu Orange, se targue régulièrement d’être le N°1 en termes de déploiement et de raccordement. Si ces chiffres ne constituent qu’un argument marketing et n’engagent que celui qui les annonce, sur le terrain, la qualité de service que laisse entrevoir l’opérateur sont loin sont tout autres si l’on en croit les utilisateurs. Et ça tombe bien, puisque moi-même, rédacteur de ce sujet, je suis concerné. 
 
Raccordé à la fibre optique Orange depuis la mi-février, je bénéficiais d’un excellent débit montant et descendant, lequel me permettait de travailler confortablement à distance pour participer à des visioconférences de qualité, télécharger ou uploader de gros fichiers. Bref, la fibre m’apportait tout ce dont j’avais besoin en tant que journaliste, et j’étais plutôt satisfait d’avoir choisi Orange pour acheminer mes données au regard de problèmes rencontrés par des relations, avec d’autres opérateurs.
 
Mais ma joie fut de courte durée. A peine ai-je eu le temps de me familiariser avec ce service à haute vitesse que l’opérateur m’envoyait le SMS suivant : « Orange : vos services Livebox sont perturbés suite à un incident sur notre réseau. Leur rétablissement est prévu le 16/03 en fin de journée. Nous sommes désolés pour la gêne occasionnée ». Un message laconique qui n’augure rien de bon et pour preuve.
 
Sans plus d’explication on me propose de me connecter via le réseau 4G, à une adresse permettant d’obtenir 200Go pour assurer, via mon smartphone, la continuité de service. Si dans les faits ça fonctionne, il est impératif de posséder un smartphone performant, à partager dans le foyer, et surtout un débit 4G suffisant. Ce qui est loin d’être mon cas. 
 
Quant à connaitre les raisons de cette panne qui laisse ma Livebox flambant neuve sans voix et surtout en clignotement permanant en attendant que mon opérateur daigne me rétablir la connexion, c’est silence radio. « Une situation normale selon un ancien d’Orange Business, l’ACERP (le gendarme des télécoms -NDLR), n’autorisant pas les opérateurs à communiquer sur leurs pannes, au regard de la concurrence entre opérateurs ». Un manque de transparence légalisé, en quelque sorte, qui me prive, pendant au moins deux semaines et sans autre forme de procès, du service que l’opérateur n’a pas manqué de facturer au tarif fibre, c’est-à-dire plus cher que l’ADSL que j’utilisais précédemment. En plus rien n’est dit que le 16 mars au soir, la ligne sera rétablie. Sans compter que, cerise sur le gâteau, l’opérateur qui attribue généreusement 200 Go sur ma ligne mobile, au titre de la compensation, vites consommés quand on sollicite beaucoup le réseau, sont considérablement réduits une fois la limite atteinte. Et si l’on veut la prolonger, il faut simplement payer. Un véritable racket de la part de l’opérateur, qui mérite d’engager des poursuites pour non-respect du contrat de fourniture de service.
 
« J’ai eu ce type de coupure longue durée pendant le premier confinement en mars dernier, alors que j’étais en télétravail et que je devais participer à des visioconférences »
 
« Nous sommes des clients et nous avons le droit de savoir », explique un autre abonné Orange sur le réseau social Twitter. Mais de ça l’opérateur qui s’affiche comme le meilleur l’a oublié depuis qu’il est devenu Orange, le gain primant sur le service aux abonnés. Et je ne suis pas le seul. Depuis que j’ai partagé ma colère d’être privé d’internet THD, téléphone filaire et TV HD sur les réseaux sociaux, d’autres consommateurs ont affiché des problèmes similaires, sans pour autant avoir plus de réponse. Et il suffit de se rendre sur les forums créés pour l’occasion pour constater que la fibre qui s’annonce comme le réseau miracle, est loin de tenir ses promesses.
 
L’un d’eux avance-même un constat de terrain. « L’objectif est de déployer de la fibre à tout prix. Les techniciens sont peu ou pas formés, certains câbles sont douteux en termes de qualité et parfois mal posés ». Et un autre : « la fibre ce n’est pas un banal fil de cuivre que l’on peut passer n’importe comment sans au minimum respecter des élémentaires règles de l’art ». Sans compter les baies de brassage, où les fibres s’entrecroisent façon « plat de nouilles, avec parfois des débranchements intempestifs par le technicien d’un autre opérateur qui ne mesure pas forcement ce que son intervention peut entrainer chez le client en plein télétravail. 
 
« J’ai eu ce type de coupure longue durée pendant le premier confinement en mars dernier, alors que j’étais en télétravail et que je devais participer à des visioconférences », détaille un autre client Fibre Orange, sur son mur Facebook. Décidemment, même le meilleur, n’est pas forcément bon, loin s’en faut. 
 
« Les échecs de raccordement sont très importants », s’agace Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, une association de collectivités territoriales tournée vers le numérique sur 60 Millions de Consommateurs. « Ils atteignent jusqu’à 40 % dans certaines communes, alors que les opérateurs annoncent qu’elles sont raccordables à 100 %. ». Certains clients, excédés sont même prêt à en venir aux mains avec leur opérateur.
 
D’autres relatent que le débit qu’ils obtiennent est inférieur à celui qu’ils avaient auparavant en ADSL, sans compter les coupures régulières. Là aussi c’est le manque total d’information car ce que ne dit pas l’opérateur, lequel veut absolument placer de la fibre optique, pour la manne financière qu’elle peut générer, c’est qu’il est nécessaire de posséder un terminal (ordinateur, tablette, téléphone…) dont les cartes réseaux et les câbles sont compatibles avec les flux très haut débit. Exit donc les vieux coucous informatiques qui n’ont pas été pensés pour un débit à la vitesse de la lumière. Sans compter que le service est mutualisé et que dans les zones fortement urbanisées et raccordées, le débit est loin de tenir les 1Gbits promis dans les publicités des opérateurs.
 
Certes, la fibre c’est l’avenir des télécommunications terrestres, mais à condition d’y mettre les moyens en termes de qualité de service et sur ce plan, aucun opérateur, que ce soit Orange, Free ou Bouygues n’y est parvenu. L’avancement du déploiement est effectué à marche forcée, et qu’importe la qualité, pourvu que l’on puisse dire : « la fibre arrive ! », comme si c’était le messie. Il reste donc du travail, beaucoup de travail, et ça, ce n’est pas gagné. 
 





              

Energie | Mobilité | Habitat | Aménagement | Environnement | e-Santé | Règlementation | Consommation | Société


vignette adhésion Banniere Don