Quand l’intelligence collective fait changer une décision municipale


Rédigé par Yannick SOURISSEAU le Dimanche 22 Juillet 2018 à 09:26

Abattre un arbre centenaire, dont il n’existe que quelques exemplaires au monde, pour construire une concession automobile, l’affaire vient de faire grand bruit à Angers (Maine-et-Loire), cité du végétal et première ville verte de France. Cette histoire a ému plusieurs milliers de citoyens qui se sont mobilisés pour demander au Maire, signataire du permis de construire, de revoir sa copie. La sagesse populaire a payé, puisque l’arbre est désormais sauvé.


La photo du séquoia et de son voisin le cèdre du Liban sur le terrain sur lequel doit être construite la concession automobiles Volvo à Angers (Photo publiée sur Change.org par Christophe Abélard )
Maladie, danger pour les habitants, travaux de la seconde ligne du tramway ou tout simplement refonte des espaces verts, depuis un an c’est l’hécatombe à Angers. Aucun arbre âgé ne résiste aux assauts des bucherons qui, à la demande de la ville, ne savent plus où donner de la tronçonneuse pour réduire en buchettes tous ces centenaires qui ont veillé sur la cité et contribué à la rendre si agréable, surtout en été, en procurant une ombre salvatrice. Une hérésie pour les habitants de cette cité classée « ville la plus verte de France » en 2017 par l'Union Nationale des Entreprises du Paysage (UNEP) et dont une représentante siège au sein de l’observatoire  créé par cet organisme.

Quand ils apprennent qu’un séquoia nain considéré comme « arbre remarquable » pour son âge, sa taille et sa rareté, sera abattu lui aussi, pour y construire une concession automobile, c’est la goutte qui fait déborder le vase. D’autant plus grosse que le permis de construire a été accordé sans tenir compte de l’arbre, par une municipalité dont la prise en compte du végétal était l’un des objectifs de campagne lors des dernières municipales, pour installer la marque Volvo, enseigne suédoise qui met un point d’honneur à soigner sa réputation en matière de protection de l’environnement. Il y avait donc matière à se rebeller contre l’institution qui, selon ses opposants n’a pas pris les réserves d’usage en accordant le permis de construire au propriétaire des lieux : le groupe Jean Rouyer Automobiles.

C’est l’angevin Christophe Abélard, un citoyen ordinaire, ancien étudiant en horticulture, qui lance l’alerte en ouvrant une pétition intitulée « Sauvons d'urgence le séquoia nain et le cèdre nain d'Angers  (un arbre voisin) », sur Change.org, la plateforme des actions collectives.

« Les arbres sont la mémoire vivante du patrimoine végétal, et parmi eux les séquoias ont une durée de vie exceptionnelle », écrit le lanceur d’alerte. « A Angers, qui se veut la « Ville du végétal » et fait des efforts en matière de gestion durable, nous avons la chance d'avoir un spécimen rare de séquoia nain de 20 m de hauteur datant de 1891 dont il n'existe que quelques exemplaires dans le monde car cette variété a été peu multipliée ».
 

La ville intelligente sera celle qui saura impliquer tous les citoyens dans son aménagement.

La difficulté repose sur le fait que le « Sequoiadendron giganteum Compactum » », non scientifique de ce Sequoia, une variété proche des géants de Sequoia Park aux USA, mais qui grandit moins rapidement, n’a jamais été inscrite au répertoire des « Arbres remarquables », tel que le propose l’association A.R.B.R.E.S. Rien ne s’opposait alors à son abattage, si ce n’est la prise de conscience des élus pour ces témoins de l’histoire et garants de l’équilibre environnemental dont l’homme a besoin. Quand les citoyens angevins se réveillent il est trop tard, le permis de construire est accordé et tous «  les recours sont épuisés », comme ne manque pas de souligner le maire, Christophe Béchu, lorsqu’il est attaqué sur le sujet par ses opposants.

Qu’importe Christophe Abélard est bien décidé à faire changer l’avis des élus locaux sur la question. D’autant qu’en plus des 6 000 signataires de sa pétition, l’association de la Sauvegarde de l’Anjou, une structure très active dans la protection du patrimoine local qu’il soit paysager, immobilier ou vivant, comme cette arbre, lui emboîte le pas en adressant, une lettre ouverte au maire d’Angers et à Volvo France. Une web TV locale, TV 10, met en place un sondage sur Facebook invitant les angevins à se prononcer sur la conservation de l’arbre. Près de 5 000 votants soutiennent à 95 % la conservation de l’arbre, pour plus de 30 000 personnes touchées par l’annonce.

En quelques jours l’affaire fait le tour des réseaux sociaux, certains internautes ayant même tenté d’alerter les médias nationaux.

La pression est telle que le 20 juillet le maire d’Angers informe par communiqué qu’après discussion avec le Groupe Jean Rouyer Automobiles, un accord a été trouvé. L’arbre ne sera pas abattu, le garage sera tout simplement repoussé de quelques mètres afin de permettre au Séquoia nain de poursuivre sa lente croissance en toute quiétude ou presque. Les élus locaux et le propriétaire du garage qui voyaient la pression monter et le risque de voir la foudre s’abattre sur leur projet, sont rassurés. Leur sagesse, associée à celle des citoyens, a permis d'éviter le pire en cette période estivale, souvent très chaude, même en Anjou.

Du coté de ceux qui se sont opposés à l’abattage de cet arbre c’est la satisfaction. Quant à son voisin, le cèdre, pour lequel la survie n'est pas assurée, une seconde pétition pourrait être lancée. Au delà de la réussite, cette action démontre que les citoyens ne sont pas déconnectés de l’action politique. En agissant collectivement ils représentent une force capable de faire valoir leurs droits envers les élus locaux, tout en leur rappelant que ces derniers ont des devoirs envers eux. La ville intelligente sera celle qui saura impliquer tous les citoyens dans son aménagement et pas seulement ceux qui les représentent, l’action entreprise à Angers en est la démonstration.
 





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