Planter des arbres en ville, l’argument électoral des municipales


le Mercredi 11 Mars 2020 à 23:49

Alors qu’il y a quelques mois, seuls les élus écologistes se préoccupaient de la biodiversité urbaine, voici qu’à l’approche des élections municipales, les élus de tous bords rivalisent en termes d’arguments sur la transition écologique et la plantation d’arbres. Certes la symbolique est forte et touche de plus en plus de citoyens, mais est-ce vraiment une bonne idée, surtout quand dans les mêmes temps on ne propose pas de réduire les sources de production de carbone.


Souvent classée ville la plus verte de France, Angers (49) n’échappe pas à la surenchère électorale en matière de transition écologique, tout en faisant une bonne place à l'automobile (photo A l’Ouest Image)
Souvent classée ville la plus verte de France, Angers (49) n’échappe pas à la surenchère électorale en matière de transition écologique, tout en faisant une bonne place à l'automobile (photo A l’Ouest Image)
Ceux qui défendent les espaces verts en site urbain l’affirment tous : « La végétation en ville a un impact remarquable sur la qualité de vie et la santé des citadins ». C’est ce qu’on peut lire sur « notre planète  », le site de référence des grandes problématiques environnementales et leurs conséquences
 
C’est désormais prouvé, des affections comme l’asthme, les cardiopathies, les AVC... sont les effets indésirables, sur notre santé, des particules fines et des polluants atmosphériques qui s'accumulent dans nos villes et s'infiltrent jusque dans nos poumons, faisant chaque année plus de trois millions de victimes au niveau mondial. Ces particules fines qui se baladent dans l’air et que captent les urbains, sont émises par la combustion des carburants fossiles utilisés par les moteurs automobiles, qu’ils soient diésel ou essence, mais aussi par certaines industries. 
 
« Un arbre est capable d'éliminer jusqu'à un quart de la pollution par les particules dans un rayon d'une centaine de mètres. Judicieusement planté, il constitue une barrière très efficace pour filtrer l'air vicié et protéger les personnes vivant à proximité », explique The Nature Conservancy, une organisation américaine de protection de l'environnement  dont le but est la préservation des plantes, des animaux et des communautés naturelles représentant la diversité biologique. « Les grands arbres peuvent retenir jusqu'à 5,4 tonnes de CO2 par an et 20 kg de poussière », selon le rapport Asterès  réalisé pour le compte de l'Union Nationale des Entreprises du Paysage (Unep). Ce sont les feuilles des arbres qui captent les particules fines et les emprisonnent, empêchant ainsi la propagation des polluants
 
De plus en plus de citoyens en sont convaincus, pour survivre, la ville doit disposer d’espace végétaux qui en plus de la « décarbonner », constituent des îlots de fraicheur lors de fortes températures estivales. L’intérêt pour les arbres n’a donc pas échappé aux politiques et notamment ceux qui n’ont pas vraiment une ligne de conduite vertueuse en matière d’écologie. La montée du partie Europe Écologie Les Verts, conduit par Yannick Jadot, lors des dernières européennes, vient renforcer l’idée qu’il faut verdir les programmes électoraux si l’on veut se maintenir ou accéder à la mairie. 

Alors, c’est la surenchère. A quelques jours du premier tour des municipales, c’est au candidat.e.s qui affichera la plus grosse plantation d’arbres, alors que dans les années précédentes, les mêmes étaient devenus des accros de la tronçonneuse pour construire à tout va. Pour tenter de retenir les électeurs et éviter de les voir partir vers les candidats verts, la plupart promettent de planter à tour de pelle s’ils sont élus. Au Mans, Marietta Karamanli, la candidate socialiste, annonce qu'elle plantera 30.000 arbres en six ans. À Paris, Anne Hidalgo, la maire sortante PS, en promet quant à elle 170.000. À Lyon, Etienne Blanc, candidat LR, évoque un total 500.000 arbres et arbustes et à Arras, Gregory Watin, candidat écologiste, propose d'en planter un million. Qui dit mieux ? A croire qu’ils vont transformer leur ville en véritable forêt.
 
« Il est impératif de revoir la place de l'arbre en ville pour en faire une priorité en matière d'urbanisme ». 

On ne peut que se réjouir que les politiques de tous bords prennent enfin conscience de l’urgence environnementale. « Qu'il y ait une concurrence entre les candidats et qu'ils commencent à se challenger sur ce dossier ne peut être que positif », assure Harold Levrel, professeur d'économie de l'environnement à AgroParisTech au micro de BFMTV. « L'arbre symbolise la prise de conscience des citoyens des questions environnementales, mais encore faut-il qu'il y ait une véritable volonté des élus et que cela soit fait avec cohérence », met en garde Jonathan Guyot, co-fondateur et président de l'association All4trees, communauté engagée pour la reforestation. 
  
Même son de cloche pour Adeline Favrel, coordinatrice du réseau Forêt pour France nature environnement (FNE). « On doit davantage végétaliser les villes, mais cela ne doit pas faire l'objet d'une course à l'échalote ni se faire en compensation ou en contre-partie d'une artificialisation pour se donner bonne conscience », affirme cette dernière « Pas question pour elle de planter un arbre dans un coin ou de procéder au coup par coup, cela doit s'inscrire dans un schéma global ». 
 
En effet si l’arbre apparait comme le meilleur rempart au réchauffement climatique en ville, il ne doit pas masquer la forêt de la pollution qui va galopante dans les grandes métropoles. Planter des arbres sans réduire de manière drastique l’utilisation de l’automobile et la remplacer pas des transports plus vertueux, risque d’être un véritable coup d’épée dans l’eau.
 
C’est donc au niveau de l’urbanisation et de la mobilité que les élus doivent agir en priorité, d’autant que même si l’intention est bonne, les arbres situés en milieux urbains ont une durée de vie, plus courte que ceux des forêts. Quant à ceux qui existent depuis des décennies, en plus de porter atteinte aux habitations voisines, ils meurent suite à des attaques de prédateurs qui se sont développés avec la pollution. Sans compter que même un million d’arbres ne suffiraient pas à capter les émissions d’une automobile omniprésente. 
 
« Un arbre planté dans un sol tassé, pavé, sans place suffisante pour ses racines pousse deux fois moins vite, a moitié moins de feuilles et évapore quatre fois moins », ajoute Marjorie Musy, directrice de recherche au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Selon une étude britannique publiée l'année dernière, les forêts primaires (que l’on détruit par ailleurs…) capturent 40 fois plus de carbone que les arbres plantés en ville. Surtout quand ces arbres sont contraints par le béton et les nombreuses canalisations qui circulent en sous-sol. Pour Marjorie Musy, « il est impératif de revoir la place de l'arbre en ville pour en faire une priorité en matière d'urbanisme »,... plutôt qu’un argument électoral. 





              

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