Éclairage public en France : peut-on envisager un avenir radieux ?


le Mardi 10 Septembre 2024 à 19:46

Fabrice Dudognon, Directeur France Electricité & Smart City chez Itron




D'ici 2050, cinq milliards de personnes, soit 60 % de la population mondiale, vivront en milieu urbain. La question complexe de l'éclairage public, déjà largement débattue, deviendra sans aucun doute un enjeu majeur dans un avenir proche. Et pour cause, selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande en éclairage sera 80 % supérieure en 2030 par rapport à 2005. Face à cette problématique mise en perspective avec les enjeux environnementaux, financiers et sanitaires, les collectivités auront la lourde tâche de satisfaire cette demande de manière durable, viable économiquement, tout en garantissant la santé des habitants.
La France, du haut de ses 93 % de population urbaine en 2020, n’est évidemment pas en reste et relever le défi ne sera pas sans difficultés
 
Une situation préoccupante
Dans l’Hexagone, l’éclairage public représente le premier poste de dépense des collectivités en matière d’énergie. En effet, selon l’ADEME, il concentre 20 % de la facture globale d’énergie d’une ville, soit un total de deux milliards d’euros par an sur l’ensemble du pays. Conséquence directe de ce coût important : 40 % des communes ont fait le choix radical d’éteindre la lumière par manque de moyens.
Au-delà de l’aspect financier, l’éclairage public en France a un certain coût d’un point de vue environnemental. De fait, l’ensemble du parc tricolore émet 670 000 tonnes de CO2 par an. En outre, le pays n’est pas épargné par les problèmes de santé liés à la pollution lumineuse, surtout lorsque ces derniers sont anciens et donc vétustes. En effet, et ce n’est pas une nouveauté, l’éclairage nocturne a un impact très négatif sur les écosystèmes.
C’est pourquoi adopter une consommation raisonnée pour son éclairage public apparaît plus que jamais comme une nécessité. Heureusement, de nouvelles technologies existent pour optimiser son utilisation.
 
Les Smart Cities : vers une gestion plus durable des ressources en milieu urbain
Avec le développement et l’appropriation toujours plus avancés des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), certaines villes dans le monde ont su tirer leur épingle du jeu. Baptisées Smart Cities, elles s’appuient sur des dispositifs innovants reposant sur l’intelligence artificielle, la blockchain ou encore l’Internet des objets (IoT) pour optimiser tous types de consommation : eau, mobilité, habitations et bien sûr éclairage public. Ultra connectées, elles anticipent et évaluent en temps réel les comportements des usagers pour adapter aux mieux leurs services. À la clé : d’importantes économies, une gestion plus durable des ressources et un plus grand respect de l’environnement, au service d’une meilleure qualité de vie pour les habitants.
Pour l’heure, en France, il n’existe pas de Smart City à proprement parler et aucun véritable projet n’a encore vu le jour. En effet, les collectivités ont des objectifs de rentabilité à remplir et ne peuvent pour l’instant pleinement se concentrer à l’élaboration d’une Smart City, qui nécessite d’importants moyens financiers. De plus, d’un point de vue technique, elles ne sont ni suffisamment armées, ni suffisamment matures pour pouvoir se lancer dans de telles installations. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’aucune initiative n’a été prise sur le territoire pour répondre à la question de l’éclairage public : nombreuses sont les villes s’étant décidées à remettre à neuf leurs parcs de luminaires anciens, majoritairement par des équipements en LED, moins énergivores, plus modulables (laissant par exemple davantage de choix sur les lieux et heures d’éclairage) et avec une durée de vie supérieure aux lampes classiques.
 
Un réveil tardif en France
Bien qu'une Smart City à la française ne soit pas encore au programme immédiat, il y a néanmoins de bonnes raisons d'espérer une gestion améliorée de l’éclairage public. Plusieurs villes ont déjà franchi un cap important et pourraient inspirer d’autres communes à agir. Par exemple, Niort a réduit sa consommation de 57 % et réalisé des économies de 2,5 millions d’euros en installant des LED à basse température, associées à un système de supervision intelligent qui permet d’éclairer certaines zones uniquement lorsque cela est nécessaire. La ville de Dijon, avec un objectif ambitieux mais réalisable de 65 % d’économies d’énergie, a opté pour un éclairage public entièrement en LED, télégéré et capable de s’adapter en temps réel à la présence de piétons et de véhicules. Enfin, la ville d’Angers a également adopté le téléguidage et la détection de présence après avoir modernisé son parc d’éclairage avec des LED. Si la multiplication de ce genre d’initiatives - parmi tant d’autres ! - est très encourageante, d’autres indicateurs sont au vert et devraient donner des raisons supplémentaires aux collectivités pour prendre les devants. Première note positive, le prix de l’électricité, à la hausse depuis deux ans, a récemment enregistré une forte baisse. Une nouvelle réjouissante pour les collectivités, qui peuvent de nouveau investir dans de nouveaux dispositifs avec davantage de sérénité. Deuxième signe d’encouragement, le foisonnement et la démocratisation de technologies de pointe au service de l’éclairage public. Par exemple, les applications qui permettent de contrôler de manière détaillée son parc de luminaires à distance. Enfin, troisième raison d’envisager un avenir plus radieux, la forte présence d’acteurs pour fournir des données aux villes en fonction de leurs besoins, assorti d’un accompagnement personnalisé pour comprendre ces données, et ainsi optimiser son éclairage.
 
Voyons donc le bon côté des choses : les villes ont toutes les cartes en main pour garantir un éclairage public plus respectueux de ses habitants et de l’environnement, le tout à moindre frais. Une fois cette étape franchie, en réalisant d’importantes économies sur ce secteur, les collectivités pourraient alors entamer un véritable cercle vertueux et s’attaquer à d’autres sujets d’envergure, tels que la gestion intelligente de l’eau, qui à son tour générera des économies. Un top départ vers la Smart City made in France ?

Fabrice Dudognon, Directeur France Electricité & Smart City chez Itron
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