Connected Women Angers : Une avancée, mais il reste encore beaucoup de travail


le Vendredi 16 Décembre 2022 à 15:11

Les femmes grandes absentes de la Tech, c’est le constat soulevé par la coopérative Angers French Tech qui organisait les 23 et 24 novembre dernier, dans le cadre de la Connected Week d'Angers, l’opération « Connected Women ». Pour les organisateurs il s’agissait d’attirer l’attention de tous les acteurs présents et même au-delà, sur la difficulté, pour les jeunes filles de se tourner vers des formations scientifiques et technologiques. Une première, militante, qui en appelle d’autres.


L'un des débats organisés pendant les deux jours de la Connected Women
Selon la Grande École du Numérique (GEN), créée en 2015 par le gouvernement français avec pour objectif d’apporter une réponse aux besoins en compétences dans les métiers du numérique et à favoriser la formation et l'insertion sociale et professionnelle des personnes éloignées de l'emploi, les femmes sont sous-représentées dans les métiers du numérique. Elles représentent aujourd’hui, 30% des salariés, tous secteurs confondus. Un chiffre qui se confirme au niveau de l’Union Européenne, puisque, si 57% de l’ensemble des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, seulement 25% ont obtenu un diplôme dans les filières du numérique et 13% seulement travaillent dans le secteur du numérique.
 
Une situation alarmante d’autant que selon une étude réalisée par l’organisation AnitaB.org  en 2019, plus le niveau hiérarchique est élevé, moins les femmes sont représentées. Seulement 18% des responsables de services ou d’entreprises, seraient des femmes. Et ce n’est pas mieux outre-Atlantique, dans la Silicon Valley, où seulement 13% des femmes accèdent un poste de management dans les entreprises de la Tech. Ou encore dans les startups créées en France, où les femmes se heurtent à des murs lorsqu’elles lancent leur entreprise. Selon le baromètre 2022 de Sista et Boston Consulting Group, les hommes lèvent 1,6 fois plus de fonds que les femmes. L’étude révèle qu’aucune levée de fonds de plus de 50 millions d’euros n’a été pu être réalisée par une équipe 100% féminine. Et la tendance s’aggrave depuis 2019. 
 
Un constat que partage Corinne BUSSON-BENHAMOU, Directrice de la Coopérative French Tech d’Angers, qui vient de clore la première « Connected Women », au Centre de Congrès d’Angers. « Le sujet de la parité dans l’entreprise, et encore plus dans la Tech, est très compliqué. C’est presque tabou et encore pire en province qu’à Paris », avance celle qui a porté à bout de bras cet événement qu’elle considère comme un acte militant. Un combat qu’elle mène depuis plus d’un an, pour faire en sorte que les hommes qui dirigent les grands groupes en prennent conscience et commencent à s’intéresser à la population féminine. Pour elles, comme toutes les femmes présentes lors cette rencontre, il y risque de masculinisation de la filière avec à la clé une discrimination accrue envers les femmes. 
 
« Lors de ces deux jours j’ai rencontré des gamines qui ont eu le déclic. Je suis convaincue qu’on peut y arriver »

« C’est l’événement le plus difficile que j’ai eu à mettre en place », souligne la Directrice d’Angers French Tech, « et je suis fière d’avoir mené cette première édition à son terme ». Si elle est ravie d’avoir reçu les encouragement de grandes entreprises de la Tech , plutôt des femmes dirigeantes des fleurons de la technologie françaises et internationales ou de cheffes d’entreprises, elle avoue être « déçue par le manque de représentativité des instances locales », lors des débats organisés pendant les deux jours de cette première Connected Women.  « Les chefs d’entreprises osent même dire que le manque de femmes dans la Tech, c’est un non sujet », poursuit l’organisatrice, un peu amère. « Il est vrai que nous sommes dans une région conservatrice et que j’aurais peut-être eu plus de succès si j’avais organisé cet événement à Paris. A Angers et son territoire, ça ne bouge pas ». Les délégations étrangères, présentes à Angers, à l’exemple du Vietnam, lui ont même tendu la main pour organiser une édition dans leur pays. 
 
Pourtant, sur les bords de la Loire, les entreprises technologiques ne manquent pas, mais bien peu ont fait le déplacement pour soutenir l’organisatrice. Il suffisait d’assister aux débats, pourtant dotés de pointures féminines et riches d’information et de motivation pour s’en rendre compte : les femmes étaient nombreuses dans le grand auditorium du Centre de Congrès d’Angers et les hommes se comptaient sur les doigts de la main. Dommage, car il y avait pourtant matière à mieux comprendre ce que les femmes peuvent apporter à la filière technologique
 
« La parité, ce ne doit pas être consensuel », poursuit Corinne BUSSON-BENHAMOU qui, fatiguée, après ces deux jours, se demande s’il elle va poursuivre à Angers. « Heureusement je reçois beaucoup d’encouragement de la part des femmes présentes lors de ces deux jours. Je suis touchée, mais je me demande si ce territoire mérite une seconde édition ! ». 
 
Si elle avoue « aimer aller au bout de ses convictions », l’organisatrice se tourne pour l’heure, vers la mise en place d’une « Fondation Connected Women », adossée à la Fondation de France, pour accompagner les collégiennes et les lycéennes, afin qu’elles soient inspirées par d’autres femmes qui ont réussi dans le numérique. « Lors de ces deux jours j’ai rencontré des gamines qui ont eu le déclic. Je suis convaincue qu’on peut y arriver », poursuit la Directrice d’Angers French Tech, prête, malgré tout, à prendre son bâton de pèlerin pour convaincre les parents d’engager leurs filles vers les grandes écoles du numérique et accompagner les femmes pour qu’elles accèdent enfin à des postes de gouvernance. Mais le problème est sociétal . S'il faut effectivement convaincre les enseignants pour qu'ils osent proposer aux jeunes filles de se tourner vers des carrières scientifiques, ce sont avant tout les parents qu'il faut motiver pour qu'il s'écartent des stéréotypes et peut-être qu'ils en finissent avec le souhait de diriger leur progéniture vers les postes d'administration, du commerce ou de la finance pour les filles et des écoles d'ingénieurs pour les garçons. Pourquoi pas l'inverse ? Ce sera tout le travail de cette fondation. 





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